4ème de couverture :
Fin des années 1960, quelque part dans un pays de fer et de charbon. Une mine vient de s’effondrer, qui a piégé Fernand sous une berline. À mesure qu’approche une mort presque certaine, celui-ci se remémore son existence « là-haut ».
Évocation tout à la fois réaliste et poétique de la vie des mineurs, Berline fait surgir d’un destin à priori bien sombre d’éclatantes pépites de lumière, de tendresse et d’humour. Avec en filigrane l’espoir d’une renaissance.
Ce que déclare l’autrice sur son premier roman :
« J’ai voulu apporter un peu de lumière au sein d’un destin très sombre. Et donner de l’espoir aux lecteurs. Nous ne sommes pas condamnés à vivre dans l’obscurité. Mon roman est un hymne à la liberté et à la compréhension. Oui, c’est un livre sur l’enfermement. Mais dans le noir, coincé sous cette berline, Fernand va cheminer vers une merveilleuse compréhension de lui-même. Il va pouvoir vivre sa vie comme il l’entend. C’est un roman lumineux. »
C’est effectivement un roman sur l’enfermement dans tous les sens du terme. Mais avec un style simple et parfois sec, allant surtout à l’essentiel, le roman oscille entre humour, tendresse et poésie évitant la noirceur du sujet. La langue est belle, l’histoire est profonde et pleine de tendresse et les personnages touchants. J’ai beaucoup aimé l’idée de cette petite voix intérieure sous la forme d’un oiseau noir avec lequel Fernand échange et qui, par ses remarques intempestives, relance la mécanique du souvenir et titille sa conscience. L’autrice décrit avec justesse ce monde particulier des mineurs et leurs conditions de vie difficiles.
La découverte d’une « pépite » que j’ai faite par hasard au Livre sur la Place de Nancy et que je ne regrette vraiment pas ! Une excellente surprise que je conseille vivement !
Quelques beaux passages :
– « Aujourd’hui, dans le silence des morts, dans ce trou qui sera peut-être son ultime, l’enfance lui explose dans la poitrine comme un coup de grisou.»
– « Elle est toute ronde. Sa figure, son ventre, sa bouche, ses joues, ses yeux, ses mots, ses brioches. Oui, quand il pense à elle, c’est rond, c’est doux. Rien à voir avec les angles aigus de la mère. »
– « Lui, ce qu’il aurait voulu, c’est être jardinier. Pas mineur, pas ouvrier, pas paysan: jardinier. Il aurait voulu travailler la terre par petits bouts, cultiver des couleurs, des odeurs, des morceaux de beauté. Être au-dessus, pas en dessous. […/…] Travailler au grand jour. Respirer autre chose que la poussière et les fumées. Mais, au village, c’était la mine ou l’usine. Basta.»
– «Il a toujours connu l’oncle avec un nez de clown dans la poche de son pantalon. Un jour, il lui a demandé ce qu’il fabriquait avec ça. L’oncle avait eu un bon rire de père Noël, Ça ? C’est pour éviter de me prendre trop au séreux ! La vie, c’est rien d’autre qu’un grand jeu, mon grand. Et il lui avait mis la tomate cerise sur le nez et une tape tendre sur l’épaule.»
– « Le père veut bien lui parler, mais histoires sont comme les napperons de la Mémère, pleine de trous. Il a du mal le suivre, doit se contenter de quelques miettes d’existence, pourtant il s’estime chanceux, le père est toujours moins avare que la mère. Alors il l’écoute, heureux de pouvoir attraper quelques mots – autant de papillons rares dans son filet.»
– « Les corbeaux emmènent le père dans une longue voiture noire. Le père emporte avec lui les promenades à l’étang, les parties de pêche, les petits bonheurs au jardin. Et c’est alors le brouillard, bien plus oppressant que celui des champs. Un brouillard chloroforme dans lequel il se sent disparaître , anesthésié, désamarré de tout.»
– « Elle avait gardé de la tendresse pour lui, ça se voyait quand elle le zyeutait par en dessous. C’était un amour muet qui les reliait, un amour différent, impossible à enraciner dans du train-train. De toute façon, il n’en aurait pas voulu, de cette sorte d’amour qui s’émiette au fil des habitudes.»
– « Tu vois Nando, les choses qu’on se met dans la tête, c’est comme les pommes que tu te mets dans le ventre. Y en a des bonnes, y en a des pourries. Suffit de choisir celles que tu veux garder dans ta caboche.»
– « Bon, qu’est-ce qu’on fait l’oiseau ? On attend, on attend, on attend. D’accord, on attend. Enfermé. Effondré. Piégé. Sous les cailloux, sous les souvenirs. Fait comme un rat. Rat. Souris. Canari. S’accrocher. Appeler au secours. Qui ? Il n’y a ici que des fantômes. Ne pas s’intéresser aux pensées pourries. Ne choisir que les bonnes pommes. Pommes pourries pommes pourries pommes pourries. Tu vas crever crever crever. Ta gueule l’oiseau. Ne pas se rouler dans les cendres.»