Mélissa da Costa : les femmes du bout du monde

4ème de couverture :
Si tu te demandes ce que nous faisons ainsi, loin des hommes, je vais te dire : nous veillons sur notre petit univers, nous veillons les unes sur les autres.
A la pointe sud de la Nouvelle-Zélande, dans la région des Catlins, au coeur d’une nature sauvage, vivent Autumn et sa fille Milly; Sur ce dernier bastion de terre avant l’océan Austral et le pôle Sud, elles gèrent le camping Mutungo o te ao, « le bout du monde » en maori. Autumn et Milly forment un duo inséparable, jusqu’au jour où débarque Flore, une jeune parisienne en quête de rédemption…
Hantées par le passé, mais bercées par les vents et les légendes maories, ces trois femmes apprendront à se connaître, se pardonner et s’aimer.

Un livre qui m’a particulièrement fait vibrée à la fois par son humanité, la beauté de cette nature sauvage encore relativement protégée qu’elle nous fait partagée, les caractères des personnages et leurs relations si finement décrites et analysées. Mais il m’a intimement transportée car, ayant été en Nouvelle-Zélande et notamment dans les Catlins, j’ai revécu tous ces magnifiques paysages où je suis passée, tous ces animaux notamment les otaries et les phoques jouant dans les flaques d’eau qui m’avaient déjà tant émue !
C’est de nouveau un énorme coup de cœur et beaucoup d’émotions… je ne regrette qu’une chose c’est de l’avoir déjà terminé !

Quelques beaux passages :
« – Il avait proposé de la raccompagner mais elle avait refusé. Elle avait compris qu’elle ne pourrait pas tromper Paul avec un jeune homme charmant, qu’il fallait que ce soit moche, sale, que ce soit n’importe qui, qu’on ne l’embrasse pas, ou pas avec tendresse. Elle devait avoir mal pour que ce soit juste. »
« – Elle songe que le sentiment maternel, c’est quelque chose de doux et d’amer à la fois. On fait tout pour garder son enfant auprès de soi, l’empêcher de s’envoler trop loin, puis un matin on le voit pépier avec un autre oisillon et on ne sait plus ce qu’on ressent : un pincement au cœur ou un trouble attendri. Les deux à la fois. »
« – Le travail n’est pas fini, loin de là. […/…] Il leur faudra tout remplacer. Elles pourraient céder au découragement un instant, mais elles ne le font pas. Parce qu’un spectacle curieux se joue devant leur yeux, un de ceux qui remettent du baume au cœur, redonnent un peu d’énergie dans la tourmente, comme une étincelle au milieu des gravats. »
« – Milly fixe l’horizon, le point où mer et ciel sont indissociables. Dans sa paume, elle serre le taonga que Kai vient de lui glisser.
Regarde la mer, pas l’homme. L’homme est mouvant, instable, terriblement influençable, décevant. La mer, non. La mer est là, immuable et infinie. La mer est une promesse d’éternité. »
« – Elle n’a que vingt-trois ans, pourtant elle a des yeux qui évoquent mille vies, des pommettes hautes et des épaules qui ne ploient pas. Ce soir, est-ce la beauté du lieu, la lueur du crépuscule ou autre chose, Milly lui inspire une force immense. »
« – Pour la première fois depuis longtemps, deux ans, trois peut-être, elle retrouve ces sensations oubliées. Une certaine lourdeur du corps, l’impression d’être repue, apaisée, presque somnolente, associée à une légèreté de l’esprit, une grande clarté. Comment nommer cela ? Elle ne sait plus. On désapprend vite le bonheur quand on a chuté en enfer. »
« – Elles n’ont pas vu de manchots aux yeux jaunes ce soir, elles n’ont pas capturé les lueurs de l’heure dorée sur la plage, mais elles ont cueilli quelque chose d’infiniment plus fragile, d’infiniment plus rare : quelques confidences autour d’un œuf mimosa. »
« – Toutes les deux fixent ce drôle de spectacle post-apocalyptique et elles songent, chacune en son for intérieur, que les arbres et les hommes c’est du pareil au même : ils poussent en fonction des bourrasques, ils s’inclinent, courbent l’échine, sacrifient un peu d’eux-mêmes pour résister aux vents violents, mais l’essentiel c’est qu’ils tiennent encore debout. »
« – Alors Flore s’assied à même le sol. Elle a les jambes tremblantes, froid et chaud en même temps. Elles restent immobiles, regardant l’océan charrier au loin toutes les hontes, tous les souvenirs cuisants. »
« – Je ne me sens à ma place nulle part.
– Tu te sentiras à ta place le jour où tu auras trouvé le bon endroit.
[…/…] On dirait que tu as trouvé le bon endroit, toi, ajoute-t-il rieur.
– Oui.
– C’est l’océan ? Le climat ? La lumière si particulière ? Le calme ? Dis-moi,que je sache quand j’aurai trouvé le mien.
– Rien de tout ça. Et un peu de tout ça à la fois.
– C’est bien mystérieux.
– Du temps et du silence. »
« – Elle ne le regarde pas s’éloigner. Elle fixe toujours l’océan et Milly. Elle songe qu’il est des êtres avec qui on parle le même langage et que, quand on les rencontre, on ne se demande plus si on a trouvé le bon endroit : on sait. »
« – Elle songe qu’on a une vie entière pour accorder son pardon. Elle a laissé partir Paul et Solange, la rancœur, la colère. Elle sait qu’elle mettra plus longtemps à se pardonner à elle-même. »
« –
Une rose et un chardon, pense Milly. L’une délicate et chatoyante, cachant ses épines derrière des pétales soyeux. L’autre dure et rugueuse, presque menaçante, mais fleurissant malgré elle en une jolie étoile bleu intense. »
« – Elle sait que l’amour est comme l’océan : il peut être parfois tempétueux et passionné, parfois calme et ronronnant. Elle sait que tout cela, même les lames grises et boueuses, peut faire partie de l’amour. »

 

 

 

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