Sylvain Tesson : Sur les chemins noirs

4ème de couverture :
« Il m’aura fallu courir le monde et tomber d’un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j’ignorais les replis, d’un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignée de pur silence, miraculeusement vides. La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs. Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre. »
Sauvée par la médecine suite à sa chute d’un toit, Sylvain Tesson choisit de faire sa rééducation en traversant la France à pied par des chemins non balisés et s’enfonçait ainsi dans l’hyper-ruralité de notre pays. A travers ce périple l’auteur nous raconte parallèlement à sa rédemption, l’histoire d’un homme meurtri. C’est aussi un regard un peu « noir » sur le monde du XXIème siècle, orienté vers la vitesse, l’accumulation de produits, la coupure d’avec la Nature…. modernité qu’il semble ne pas apprécier.
Son style aux phrases simples et concises le rend toujours aussi agréable à lire.

Mes passages appréciés :
« … Il y avait eu trop de tout, soudain. Trop de production, trop de mouvement, trop d’énergies.
Dans un cerveau, cela provoquait l’épilepsie.
Dans l’Histoire, cela s’appelait la massification.
Dans une société, cela menait à la crise. »
« A Barjac, une plaque sur le mur du cimetière :
« Passant, arrête -toi et prie, c’est ici la tombe des morts. Aujourd’hui pour moi, demain pour toi. »
(…) Pendant quelques mois j’avais porté une bague à tête de mort qu’on m’avait retiré après ma chute. L’inscription latine gravée au revers du crâne disait la même chose que la plaque de Barjac : « Je fus ce que tu es, tu seras ce que je suis ». J’avais tardé à me pénétrer de cette évidence que les Romains inscrivaient à l’entrée de leurs cimetières.(…) Voilà longtemps que je ne m’étais pas trouvé exactement tel que je le désirais : en mouvement. Je jouissais de me tenir debout dans la campagne et d’avancer sur ces chemins choisis. Noirs, lumineux, éclaircis. C’était la noble leçon de Mme Blixen devant le paysage de sa ferme africaine : « Je suis bien là, où je me dois d’être ». C’était la question cruciale de la vie. La plus simple et la plus négligée. »
– « (…) et me retournai une dernière pour me ficher le sommet du Ventoux  dans le souvenir. Je ne voulais pas oublier que la géologie avait élevé ses autels au-dessus de la plaine avant que les hommes ne l’imitent avec leurs clochers, sous lesquels ils se persuadaient qu’un Dieu extérieur à sa propre création s’était essayé à la géotectonique; »
– « Les mûres faisaient baisser ma moyenne kilométrique. Je m’arrêtais à chaque buisson. La gourmandise faisait saigner mes mains. Le danger de se faire griffer pour la jouissance d’un fruit me rappelait quelque chose : une histoire d’amour. »
– « Fuir, c’est commander ! C’est au moins commander au destin de n’avoir aucune prise sur vous. »

 

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